Religion phénicienne

La religion phénicienne

Le panorama religieux phénicien n'est pas unitaire, il est fait de particularismes, les différences étant nombreuses d'une cité à l'autre. L'aspect fragmentaire du contexte politique phénicien a influencé sur l'institution d'un panthéon propre à chaque cité-Etat, laquelle organisait de façon autonome le rituel public avec des fêtes et des célébrations. Ces panthéons urbains présentaient, malgré tout, quelques traits communs : une organisation des divinités en triades, qui n'excluait cependant pas la présence d'autres dieux.

A Byblos

Le panthéon de Byblos était dominé par le dieu El, le dieu suprême assimilé à Rê, le dieu du pharaon, ce qui reflète clairement l'influence égyptienne. Il y a ensuite une divinité féminine, dont le culte est très ancien, nommée la Baalat, la maîtresse de la cité, la "Dame de Byblos".

Son iconographie, caractérisée par des symboles égyptiens, la relie à la Hathor-Isis. Les documents relatifs à cette "Dame de Byblos" nous indiquent qu'elle était la protectrice du roi et la garante du pouvoir. Le document le plus explicite est la stèle de Yehaumilk, roi de Byblos, elle montre la déesse sur un trône, vêtue d'une robe collante à la manière des déesses égyptiennes. La divinité la plus importante est cependant Adon (l'Adonis des Grecs); son nom d'origine sémitique signifie "seigneur". Il est le "dieu qui meurt", la fête célébrée en son honneur se compose de manifestations publiques de lutte, de la tonsure des femmes, de la prostitution rituelle et de la liturgie du "réveil" d'Adon. Le culte de ce dieu, qui se retrouvera plus tard dans la mythologie grecque, est lié à la croyance d'une vie après la mort.

A Sidon

A Sidon, on vénèrait la triade composée de Baal, Astarté et Echmoun . Si le nom de la première divinité est commun et générique, la déesse Astarté, elle, jouit d'un culte dérivé de l'ancienne tradition sémitique syro-palestinienne et répandue dans toute la Phénicie. Connue comme la "maîtresse des batailles", la Bible lui attribue les liens avec la fertilité et l'amour, et elle sera plus tard assimilée à l'Aphrodite des Grecs. La troisième divinité, Echmoun, est le dieu principal. Son nom se rattache à la racine sémitique qui désigne l'huile dont les vertus protectrices et curatives revêtaient une grande importance dans les civilisations antiques. A Sidon, Echmoun possédait deux temples : un urbain, en qualité de "Baal de Sidon"et l'autre, hors ville à Bostan ech-Cheikh.

Dans l'un et l'autre des lieux, Echmoun était côtoyait par Astarté. Dans le temple de Boustan ech-Cheikh, un bassin fut construit et avait une fonction rituelle (appelé également "la piscine d'Astarté"). Il était alimentait par la source Ydlal, mentionnée dans l'inscription d'Echmounazor.

Sidon fut célèbre aussi pour ses sarcophages, trouvés dans les nécropoles d'Ayaa et de Magharat Tabloun. La richesse des sarcophages suppose que la cité de Sidon fut un centre de production de cet article qui étaient presque exclusivement façonnés dans le marbre. C'est à partir de Sidon que l'utilisation des sarcophages anthropoïdes se propagea dans tout le monde méditerranéen. Les sarcophages de Sidon se trouvent aujourd'hui dans les divers musées mondiaux.

A Tyr

A Tyr, la triade est formée par Melqart, Astarté et Baal. Melqart était la puissance tutélaire de la cité : son nom signifie "roi de la cité". Son culte remonte au X° siècle av. J.C. quand Hiram, le roi de Tyr, fait ériger un sanctuaire en son honneur et répand son culte. Melqart est considéré comme le fondateur de la cité et le protecteur de ses activités économiques. En raison de la présence d'une forte composante tyrienne dans l'expansion phénicienne en Méditerranée, Melqart s'exporta aux quatre coins du monde connu : de Gibraltar à Chypre, en passant par l'Afrique du Nord, les îles italiennes et l'Égée. Il fut le pivot des relations entre la métropole Tyr et la colonie Carthage. Chaque année, lors d'une fête (appelée egeris par les auteurs grecs), on célébrait sa résurrection, Melqart était donc une autre expression du dieu qui meurt et renaît. L'Astarté de Tyr a les mêmes qualificatifs que sa voisine sidonienne, déesse de l'amour et de la fertilité. Mises à part ces deux figures centrales (Melqart et Astarté), le panthéon de Tyr regroupe une série d'entités divines variées, tels : Baal Shamem (seigneur des cieux), Baal Shaphon (maître des vents et des courants maritimes), Baal Malagé (seigneur des marins).

Une série de divinités secondaires était également présente aux côtés des triades principales. Ainsi, Khousor régnait sur la mer tout en surveillant le déroulement ponctuel des saisons, Reshef sur le tonnerre et les éclairs, Aliyan sur les sources et les eaux souterraines. Dagon était le dieu du blé, Chadrapa le protecteur des médecins et Hijon celui des artisans. Sydyk et Misor personnifiaient la justice et la droiture.

Le culte était accompli par le souverain - au moins dans les cités principales, Tyr, Byblos et Sidon -, secondé par des prêtres regroupés en collèges et dirigés par un "chef des prêtres". Ce personnage était revêtu d'un prestige considérable puisqu'à Tyr, par exemple, le grand prêtre de Melqart était, aux dires de l'historien romain Justin, le second personnage de la cité après le roi. Ses richesses énormes furent, à en croire la légende, à l'origine de la jalousie du roi de Tyr Pygmalion qui fit assassiner son oncle Acherbas (prêtre de Melqart) et provoqua l'exil d'Elissa-Didon, la nièce et épouse de ce dernier, la fondatrice de Carthage.

Plusieurs rites et sacrifices étaient pratiqués dans les diverses cités phéniciennes. Parmi les plus célèbres, se trouve la prostitution sacrée en l'honneur d'Astarté. Quelques unes des sources antiques précisaient : soit que la prostitution était un rite exceptionnel, exercé par les prêtresses des temples d'Astarté et réservé aux visiteurs étrangers, soit que, dans certaines cités, non seulement ces prêtresses, mais aussi toutes les femmes, devaient, une fois dans leur vie, se soumettre à cette pratique. Des interprétations récentes excluent tout lien direct de ce rite avec la fertilité de la nature et proposent une explication beaucoup plus prosaïque : la prostitution sacrée aurait pu être un moyen de remplir les caisses du temple.

D'autres rituels existaient également et pour lesquels les fidèles devaient apporter des offrandes au temple ou immoler des animaux et cela pour obtenir en échange une faveur telle la santé, la guérison, une descendance, une récolte abondante, la victoire sur l'ennemi, etc. Le plus célèbre rite fut le sacrifice humain, en particulier celui des enfants. La Bible mentionne les lieux nommés tophets, où étaient brûlés des fils et des filles de Phénicie. Attesté surtout à Carthage, la plus importante colonie de Tyr, le tophet est un sanctuaire à ciel ouvert, situé hors les murs, qui contient des urnes cinéraires et des stèles en pierre. dans les urnes, des ossements d'enfants ont été trouvés. L'Orient phénicien n'offre pas de témoignages qui viendraient corroborer ces sacrifices. La même citation biblique pourrait faire référence à un unique rite initiatique de purification sacrificielle. Le tophet pourrait être simplement une nécropole d'enfants.



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